Le Posographe est un appareil astucieux de calcul de temps de pose inventé par Auguste Robert Kaufman et breveté en 1922, avant l’invention des cellules-posemètres.
On peut considérer qu’il fait partie de la famille des ordinateurs mécaniques primitifs initiée notamment par Pascal, Jacquard ou Babbage…

C’est en quelque sorte une version plus détaillée et interactive de la règle du f/16 (en plein soleil avec un diaphragme ouvert à f/16, la durée d’exposition est la valeur la plus proche de la sensibilité du film, par exemple 1/125s pour 100 ISO…) qu’on retrouve au dos de certains appareils et à l’intérieur des cartons d’emballage de pellicules sous forme de tableaux avec quelques situations de luminosité courantes.

L’objet plat et rectangulaire mesure environ 13,5 x 9 x 1 cm et présente deux faces imprimées d’un ensemble de paramètres, une face dédiée aux scènes d’intérieur, l’autre aux scènes d’extérieur.

Six curseurs index disposés sur son pourtour permettent de sélectionner les différents paramètres, un septième donne comme résultat du calcul un temps d’exposition.
Ces curseurs sont reliés en interne à une série de bielles plates interconnectées de manière à établir géométriquement un rapport logique.

Il est remarquable de constater que les dimensions, dispositions et articulations des bielles les unes avec les autres matérialisent mécaniquement la logique et l’influence de chaque paramètre dans la valeur d’exposition finale.

Schéma de principe mécanique

Sur ce dessin, les bielles ont une forme régulière de rectangle arrondi, inspirée par un schéma d’époque, mais en réalité elles sont faites de fines tôles franchement plus larges et arrondies afin de s’assurer qu’en toute position elles vont bien glisser les unes sur ou sous les autres et ne pas risquer de se coincer.
Les pivots d’articulation sont des rivets.

Les paramètres sont
Pour la photo en extérieur :
• Mois
• Heure solaire
• Sujet
• Diaphragme
• État du ciel
• Teinte et éclairage du sujet

Face pour les vues en extérieur

Pour la photo en intérieur :
• Couleur des murs
• Couleur des sols
• Lumière extérieure
• Diaphragme
• Quantité de ciel vue de la place du sujet
• Place du sujet par rapport aux fenêtres

Face pour les vues d’intérieur

Le dernier curseur comporte quatre flèches-index selon la sensibilité de l’émulsion, exprimée en degrés H&D :
• Rapidité moyenne – 50° H&D
• Extra rapide ordinaire – 150° H&D
• Ultra rapide – 350° H&D
• Sensibilité extrême – 600° H&D
Ce curseur coulisse le long d’une échelle de temps de pose allant de 1/1000s à 12s
Il est précisé une correspondance pour les plaques Autochrome : exposer soixante fois plus que l’index Extra rapide (en pratique il suffit de considérer les valeurs données comme étant des minutes et non des secondes).

Le système H&D, mis au point vers 1890 par le Suisse Ferdinand Hurter et l’Anglais Vero Charles Driffield, est une des premières tentatives de normaliser les sensibilités d’émulsions, un ancêtre de la sensitométrie.
Cette échelle n’est pas directement comparable aux normes actuelles car les protocoles de mesure sont différents et ne mesurent pas exactement les mêmes choses. En outre il a existé plusieurs variantes du système H&D, comme l’indiquent les tableaux de ces sites :
earlyphotography.co.uk
jollinger.com
Une tentative d’équivalence H&D > ASA/ISO est donc forcément une approximation. Selon ces sites, la sensibilité maximale de 650° H&D du Posographe se situerait aux alentours de 17 ISO, à confirmer par l’expérimentation.

En définitive, le Posographe est clair, intuitif, amusant même, il pousse à réfléchir à la lumière de la scène que l’on souhaite photographier, à l’analyser, cela en fait un très bon outil pédagogique à mettre entre toutes les mains. On rêverait toutefois d’une version convertie aux valeurs ISO courantes (ce qui ne devrait pas être compliqué à réaliser) !